mercredi 8 octobre 2008

Chronique d'un film de Vin Diesel

ésumé: Dans un futur proche, le mercenaire Toorop (Vin Diesel) est chargé d'escorter une mystérieuse jeune fille, Aurora (Mélanie Thierry), de la Russie jusqu'à New York. Il sont accompagnés par sœur Rebecca (Michelle Yeoh), qui a élevé Aurora. Toorop s'aperçoit très vite qu'Aurora n'est pas une jeune fille comme les autres et qu'elle attise bien des convoitises. Il va devoir choisir entre effectuer sa mission sans se poser de question ou s'impliquer personnellement pour aider Aurora...

Le nouveau film de Kassovitz était très attendu, notamment parce qu'il s'agissait d'un projet très personnel du réalisateur de La Haine. Cela fait en effet plusieurs années que Kassovitz caresse le rêve de porter à l'écran le roman Babylon Babies de Maurice Dantec (entre autres auteur de La Sirène rouge). Après une production plus que houleuse (Vin Diesel imposé par le studio alors que Kasso voulait son ami Vincent Cassel dans le rôle principal, rumeurs de remontage intempestif...), le film débarque enfin dans les salles, précédé d'une réputation peu flatteuse. Une réputation basée sur les dires du réalisateur lui-même, qui renie le film, expliquant que celui-ci lui a échappé et a été massacré par les exécutifs de la Fox, qui l'ont expurgé de tout son message politique. Et au final, oui, Babylon AD est bien un film totalement bancal, en grande partie à cause du remontage effectué par le studio, mais pas seulement.

Premier point qui dérange, Kasso nous balade dans un monde futuriste sans nous donner aucun repère géopolitique pour comprendre les enjeux. On se doute que ce problème vient du remontage, et il est ici particulièrement préjudiciable, tant on a l'impression de se balader dans un monde sans avoir les clés nécessaires à la compréhension de l'intrigue. A vrai dire, on se pose beaucoup de questions sans obtenir de réponses. Pourquoi Toorop est-il interdit de séjour aux Etats-Unis ? Pourquoi la secte veut s'imposer grâce aux bébés d'Aurora alors qu'elle semble déjà avoir pignon sur rue ? Pourquoi Aurora a-t-elle un don de prescience ? Quelle est vraiment la relation entre les personnages interprétés par Charlotte Rampling et Lambert Wilson (mis à part qu'ils ont été mari et femme) ? Est-ce que la technologie pour ressusciter les morts est répandue ? Et puis d'abord, comment Aurora savait-elle que Toorop serait ressuscité par son père et la retrouverait ? Et ce n'est pas le final confus qui va mieux éclairer la lanterne du pauvre spectateur. Le climax anti-spectaculaire rappelle d'ailleurs énormément le final foireux des Rivières pourpres dans le fait de balancer cinquante révélations en deux minutes sans prendre vraiment le temps d'expliquer les choses au spectateur. C'est bien simple, ce final est tellement raté que l'on sort de la salle en se disant « tout ça pour ça ? ».

Les personnages manquent aussi grandement d'intérêt. Vin Diesel, bien que toujours très charismatique, joue les gros bras sans réelle conviction, son revirement et son histoire d'amour avec Mélanie Thierry ne sont jamais crédibles. Michelle Yeoh est une fois de plus sous-employée, mais elle doit commencer à avoir l'habitude, et sa mort passe totalement inaperçue. Les relations entre ces trois personnages sonnent totalement faux et les quelques tentatives de développement tombent totalement à plat (voir la scène ridicule du repas après la poursuite en jet ski, genre « cool, maintenant on est une famille !»). Mais le pire reste le total manque de développement des méchants de l'histoire. On aperçoit Charlotte Rampling à peine deux minutes dans la première demi-heure du film, puis tout à la fin, mais sans que son personnage ne représente une quelconque menace palpable. La secte dont elle fait partie est aussi très peu exploitée et leurs motivations restent très obscures. Idem pour le personnage de Lambert Wilson, dont on ne sait pratiquement rien. Quant à Gérard Depardieux, son personnage est quasi inexistant et on a du mal à reconnaître l'acteur, boursouflé et avec les cheveux teints en noir (en plus il semblerait qu'il ait été double dans la VO du film, vu que je n'ai même pas reconnu sa voix pourtant si particulière).

Mais le pire reste l'impression constante que le film n'a absolument aucune originalité et se contente de bouffer à tous les râteliers, présentant un best of de divers longs métrages. La Russie ravagée évoque les camps de réfugiés de Children of Men, le New York futuriste avec ses immenses panneaux publicitaires ressemble à s'y méprendre à la mégalopole de Blade Runner, la poursuite en jet ski rappelle celle de XXX (on a vu mieux comme référence)... Et même en tant que film d'action, Babylon AD n'est pas bon, Kassovitz succombant à la mode du montage surdecoupé des scènes d'action, les rendant totalement illisibles. On ne comprend jamais qui se bat contre qui, même lorsqu'un affrontement n'implique que deux personnes. Bref, Babylon AD est un ratage quasi-total, certes imputable en partie au studio, mais très clairement aussi dû à un Kassovitz incapable de gérer une aussi grosse logistique. Et après les très moyens Les Rivières pourpres et Gothika, j'en viens à me demander si Kasso ne serait pas un réalisateur légèrement surestimé...