mercredi 8 octobre 2008

Babylon AD

Voilà un film qui commence mal. Vin Diesel encapuchonné marche comme dans un défilé de mode, l’air bête et méchant, roulant des mécaniques au rythme des éructations incompréhensibles d’un rappeur. Autour de lui, un paysage urbain en ruines, avec des hommes en armes partout. La caméra le suit jusqu’au marché où on trouve toutes les armes, même des missiles tactiques mais où les denrées alimentaires sont rares… et, je ne vous dis pas ce qu’il achète pour son repas du soir.

Tout cela pour bien faire comprendre au spectateur que Vin Diesel est un vrai dur. Ces trois premières minutes catastrophiques de Babylon AD ont tout d’un vidéoclip prétentieux dans lequel le réalisateur Mathieu Kassovitz semble prêt à nous asséner le même discours hypocrite que dans Assassins. Il y aurait de quoi inciter à aller voir ailleurs si la place de cinéma n’était pas aussi chère payée, mais heureusement qu’elle l’est, car le reste n’est pas si mauvais.

Babylon AD est un film d’anticipation librement inspiré de Babylon Babies, un roman de Maurice G. Dantec. Les commentaires font état d’une œuvre dans laquelle «se mélangent discours scientifique parfois obscurs, théories métaphysiques, références littéraires et clins d’œil graves à l’actualité contemporaine». Ce qui suppose un roman foisonnant et intranscriptible à l’écran dans son intégralité. L’opération implique donc certains choix de la part de tout réalisateur et de son propre aveu, Mathieu Kassovitz aurait pris certaines libertés avec l’œuvre originale, changeant les personnages et raccourcissant le récit pour en faire un long-métrage ne dépassant pas deux heures dans sa durée.

Mais le cinéaste nous donne quand même une idée de ce qui l’aura interpellé dans le roman. C’est cette vision effrayante d’un monde ayant perdu toute notion du comportement civilisé, englouti par la barbarie et la religiosité (laquelle des deux finit par engendrer l’autre ?) et dirigé par de puissantes multinationales d’un côté et diverses mafias de l’autre. C’est le portrait d’une humanité arrivée au bout du rouleau. On peut regretter que cet aspect du film, en sus des autres thèmes précités, n’ait pas été plus développé. Ce qui aurait donné une dimension épique au récit qui tel quel, ne dépasse pas le cadre d’une histoire de poursuite.

Toorop/Vin Diesel le mercenaire est chargé par un mafieux (Gérard Depardieu) de convoyer une adolescente (Mélanie Thierry) accompagnée d’une religieuse (Michelle Yeoh) d’un couvent isolé en Nouvelle Serbie à New York, en passant par la Russie. Non seulement le réalisateur parvient à faire cohabiter les divers cinémas (ses influences) que représentent ses acteurs mais en plus, dans sa seule dimension de film de poursuite, Babylon AD s’avère un film réussi contre toute attente. Les scènes d’action se succèdent sans relâche, bien maîtrisées et nerveuses à souhait : combats au corps à corps, attentats, attaque de drones, et images poignantes d’une course de réfugiés pour un sous-marin (séquence qui évoque une célèbre photo du dernier hélicoptère américain quittant Saigon en 1975). Mais l’absence d’une réelle dimension philosophique, ne serait-ce que pour les besoins du suspense, finit par se faire cruellement ressentir. Et on a l’impression d’être passé à côté d’un film mémorable, peut-être autre Blade Runner. Si seulement Kassovitz avait privilégié les autres aspects du roman original… Le bruit courait à la sortie de Babylon AD, que le réalisateur aurait désavoué cette version projetée dans les salles, amputée dans sa longueur d’une quinzaine de minutes et qui présente en effet quelques inconsistances dans le récit. Il faudra donc attendre la sortie d’un Director’s cut en DVD pour se faire une opinion définitive de ce film.